Le Cercle Condorcet de Clermont-Ferrand a consacré ses réunions
et ses travaux de la saison 2018-2019 à une réflexion sur l’état de
Union Européenne. Les contributions individuelles, présentées et
questionnées en séance, ont été réunies dans le 19ème cahier du Cercle.
A lire ou télécharger sur le site du Cercle de Clermont-Fd
Introduction
Pierre
Miele
« La réalité c’est qu’il y a aujourd’hui en moyenne dans les
différents pays de l’Union européenne (UE), entre 15 % et 25 %
d’anti-européens ; à l’autre extrême, peut-être 15 % à 20 % de
« proeuropéens » traditionnels et raisonnables, de centre gauche ou de
centre droit ; sans doute guère plus de 1 % de vrais européistes
fédéralistes ; et, entre les deux, une majorité d’environ 60 %
d’eurosceptiques (au sens vrai : dubitatifs), d’Européens déçus ou
devenus allergiques.
Année après année, chaque élection,
nationale ou européenne, référendum, référendum consultatif, sans parler
des études et sondages, confirme ce décrochage des peuples. [..]. L’UE
est donc un organisme affaibli, miné de l’intérieur. [..]
Le
décrochage des peuples a été longtemps nié par des dirigeants qui ont
de plus en plus peur des peuples entraînés par de mauvais bergers «
populistes ».
Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères
Tribune dans Le Monde du 16 juin 2016
«Il faut un compromis historique entre les élites et les peuples pour relancer le projet européen»
Le
diagnostic de cet éminent spécialiste qu’est Hubert Védrine résume
le point de départ de nos interrogations et la volonté des membres
du Cercle Condorcet de rechercher des explications à cette
situation, dans un objectif de lucidité.
On se souvient de la campagne
proeuropéenne orchestrée par les medias qui avait précédé le
référendum de 2005 sur le projet de Constitution européenne qui
fut cependant rejeté.
La même connivence a ensuite
accompagné le contournement de ce rejet par le Traité de Lisbonne ;
on la retrouve dans la présentation caricaturale qui est faite de
toute tentative de critique intellectuelle ou plus politique du
fonctionnement de l’UE, et de toute proposition visant à l’améliorer
de manière significative. L’emploi abusif généralisé du mot
« populisme » en est un signe.
L’analyse et les propositions d’Hubert
Védrine dans l’article cité ci-dessus puis d’autres ultérieurement,
échappent très heureusement à cette complaisance, ce qui nous
autorise, s’il en était besoin, à y échapper également.
Dans une première partie,
seront d’abord précisés le fonctionnement de l’Union Européenne
aujourd’hui, dans ses aspects institutionnels, l’enchainement des
traités qui à partir de 1945 ont constitué autant d’étapes de
cette construction et de l’intégration progressive des 28 Etats, et
une histoire plus que millénaire d’événements qui s’apparentent à
une émergence de l’idée d’Europe unie.
La seconde partie sera consacrée
à l’étude critique, et aux écarts entre les intentions déclarées
et la réalité constatée. L’Union Européenne issue du traité de
Lisbonne n’est qu’une forme de cette union : en quoi répond-elle
ou pas aux aspirations des peuples et qu’est-ce qui suscite et peut
légitimer leur décrochage constaté. La « raison économique »
est au centre de cette analyse critique ; et le fonctionnement
« démocratique » lui apparaît soumis. L’humanisme des
Lumières trouve-t-il son compte ?
C’est dans cette partie que nous
traitons du « populisme » vocable qui semble servir à
désigner toute forme d’opposition, en distiguant le concept des
usages qui en sont faits.
La troisième partie fait le
point sur quelques dossiers précis auxquels nous sommes
attachés : la laïcité, la place des femmes, la culture, illustrant
le faible engagement européen sur les questions sociétales.
La question migratoire et la
question de l’environnement sont deux sujets majeurs, au cœur
du projet européen et de son avenir, et cruciaux au regard de
l’humanisme. Evoqués en permanence dans nos discussions, ces
immenses chantiers jugés encore trop peu à notre portée n’ont pas
pu, à notre grand regret, être traités dans le cadre de ce
travail.
Enfin, en annexe est inséré le
compte-rendu d ‘une conférence invitée dont le propos a été
une source d’un stimulant débat. Ce résumé, validé par le
conférencier, François Robinet, peut être complété par une
lecture de son ouvrage « Les Traités contre la
démocratie ».