Après l’assassinat de Samuel Paty

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L’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire et de géographie à Conflans Ste Honorine, est une horreur absolue. Il a été décapité pour avoir fait son travail, apprendre à ses élèves ce qu’est la liberté de s’exprimer, de douter, de critiquer, comme il devait le faire dans l’Ecole de la République.

Pour autant, ni la laïcité, ni l’école, ni la République ne sauraient être en danger. La République a des lois et des institutions qui permettent de prévenir, combattre, punir les crimes, qu’ils soient de motif religieux ou de motif sordide. Elle ne peut cependant pas les empêcher totalement et  il n’y a pas lieu de changer la loi chaque fois qu’un individu passe outre, en isolé ou comme agent kamikaze d’une organisation ! Il faut que les réseaux maffieux de la pensée comme ceux de la cupidité soient pourchassés partout sans complaisance. Point de généralisation abusive, point de surenchère,  point de stigmatisation communautaire, point d’exploitation électoraliste d’une émotion légitime. Que l’école poursuive son travail et que l’Etat la protège.

Continuons, à l’école et dans nos associations, à  former des citoyens à la pensée libre ; c’est le meilleur hommage à rendre à Samuel Paty.

De la Vérité en temps de crise

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Pierre Miele, mai 2020
Texte publié dans la revue Auvergne laïque n°485

Le coronavirus a créé une situation brutale de grand trouble collectif ! Danger mondialisé, ennemi  invisible et à peine connu ; aucune communauté scientifique n’en a du moins  la maîtrise. Si le danger est un fait,  les cibles en sont incertaines, et  la population ignore les moyens de s’en protéger : force est de faire confiance… Mais à qui ? à quoi ?

Nous avons assisté à une avalanche médiatique de « vérités » péremptoires successives et de  consignes contradictoires, et deux événements ont été particulièrement marquants et démonstratifs en cialis prix la matière :

– de la part de responsables nationaux  aux débuts de la pandémie,  le déni du danger et le refus d’avouer l’absence de masques et de moyens de test, dans le but de dissimuler des carences  ; cette attitude, au demeurant ridicule, qui n’est autre qu’une falsification des faits, est grave et ne peut que renforcer la méfiance déjà grande à l’égard de la parole politique et de celle des autorités de l’Etat ;

– le mépris affiché par le désormais célèbre professeur Raoult, à l’égard des procédures de preuve scientifique et son affirmation publique que tout résultat scientifique pourrait ou devrait être soumis au débat des citoyens, donne à la vérité scientifique une valeur relative que diffusent par ailleurs des idéologues obscurantistes. Il promeut par là un contresens sur la controverse scientifique qui, elle, doit exister, mais qui ne relève pas du débat d’opinion. Ce positionnement à la face du monde décrédibilise son auteur, mais risque aussi, et c’est grave, de décrédibiliser la parole scientifique.

En 2017, le Cercle Condorcet avait consacré ses travaux aux modes de pensée qui contrarient la raison1 ; le contexte invitait alors à s’interroger sur la puissance des croyances et à mobiliser les moyens qui permettent de les contrer pour que la raison triomphe.

C’est le terrorisme fanatique qui menaçait alors notre monde ; mais au danger réel des attentats perpétrés ou en préparation, s’ajoutait celui de la panique et de son exploitation par les medias avides de spectacle et d’émotions, par des idéologues prêts à diffuser leurs interprétations du phénomène, et par les gouvernants prêts à utiliser l’urgence et la sécurité  pour justifier les décisions qu’ils prennent pour notre bien.

Donc d’un côté des croyances, avec la forme extrême de l’islamisme et, au-delà, de toutes les formes d’intégrisme religieux ; et de l’autre côté des opinions sur le diagnostic (par exemple le rôle des réseaux sociaux et des prisons dans le développement du phénomène,…), puis sur la nature et l’ampleur des faits,  puis sur les mesures à prendre (déchéance de nationalité, introduction en toute hâte d’un enseignement de morale laïque à l’école…)…

A la Vérité révélée et imposée des croyances,  et aux vérités multiples des opinions concurrentes, et à plus forte raison à la falsification², nous opposons la vérité issue de la connaissance et du savoir et la capacité de jugement rationnel des individus à faire la distinction entre ces formes de vérité, et à exercer en autonomie et pleine responsabilité leur rôle de citoyen.

C’est cette capacité que  l’école publique a la charge d’outiller par l’instruction et l’apprentissage des modes de pensée eux-mêmes en créant des situations pour les exercer et les reconnaître. Chacun apprend à l’école que la vérité est le résultat d’un processus de preuve, et qu’elle fait l’objet d’un consensus que seuls les scientifiques du domaine peuvent faire évoluer s’il y a lieu. On apprend aussi à savoir qu’on ne sait pas… Et qu’alors il faut s’informer et se méfier des croyances et des opinions. L’incertitude n’empêche pas de prendre une décision, avec un certain degré de confiance.

Mais encore faut-il que les plus hautes autorités, qu’elles soient politiques ou scientifiques ne soient pas les premières à trahir ce qu’on apprend à l’école, surtout en temps de crise…

Car en temps de crise, c’est la peur qui nous fragilise ;  la menace Daech  comme celle de Covid_19 nous le montrent ; la peur, bien qu’elle n’annihile pas notre capacité de penser, peut néanmoins altérer notre capacité de résistance, faire émerger des comportements irrationnels d’égoïsme,  de suspicion, de haine, et nous faire consentir collectivement à une réduction de nos libertés.

On se rassurera en constatant, qu’au-delà des exceptions, la population a, dans cette période encore, massivement réagi avec sérénité, souvent avec courage, de manière raisonnable sinon rationnelle, et cela sans oublier ses aspirations  d’avant la crise. Signe sans doute que l’école joue bien son rôle dans la formation des citoyens en leur apportant ce qu’il faut d’esprit critique.

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1 Défendre la raison en de sombres temps (Cahier n°17, Cercle Condorcet de Clermont-Ferrand – 2017)

² Les fausses nouvelles dans l’espace démocratique (sous la direction de Philippe Bourdin, Centre d’histoire Espaces et Cultures, Université Clermont-Auvergne – 2018 ) 

Cahier « Egalité des citoyens devant la justice »

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class= »alignright size-medium wp-image-1230″ src= »https://condorcetclermont.fr/wp-content/uploads/2018/09/Couverture-page001-212×300.jpeg » alt= » » width= »212″ height= »300″>Le Cercle Condorcet de Clermont-Ferrand publie sous la forme d’un nouveau cahier, le 18ème, ses travaux de l’année 2017-2018 consacrés à l’égalité des citoyens devant la justice.

 

Bien souvent, l’opinion publique s’étonne et s’interroge à propos des décisions de justice et notamment de la disparité des peines prononcées à l’encontre des coupables. De récentes affaires accréditent l’idée d’une justice qui serait plus clémente avec les riches ou les puissants. Qu’en est-il dans la réalité ?

Il s’agit d’identifier les facteurs de risque réel d’inégalité mais aussi les dispositions prises par l’appareil judiciaire pour limiter ces mêmes risques, protections qui ne sont pas toujours connues ou rappelées.

Il s’agit aussi de préciser la part du droit et celle du jugement des affaires par l’appareil de justice : le juge apprécie des faits au regard de la légalité, pas au regard de la morale. Mais il apprécie, il interprète…

Il peut aussi exister des injustices ressenties qui ne sont pas corrigées par les lois. Le droit est celui d’une société qui peut être estimée injuste, jusque dans ses lois.

Lire en ligne le cahier ou le télécharger

Rencontres régionales (part. 2) – Les « fausses nouvelles » dans l’espace démocratique

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Le Cercle Condorcet et la FAL du Puy-de-Dôme ont organisé à Clermont-Ferrand, les 23 et 24 mars dernier, les Rencontres régionales de la laïcité de l’URFOL Auvergne-Rhône-Alpes, sur le thème « Les fausses nouvelles dans l’espace démocratique », en partenariat avec le Centre d’histoire « Espaces et Cultures ».

Ce thème, choisi dès juin 2017, est plus généralement, celui de la relation entre laïcité et vérité.
La laïcité est une liberté, et comme condition pour exercer sa pleine autonomie de jugement, c’est-aussi une condition de la citoyenneté. En effet comment comprendre et vivre la laïcité, si on ne sait pas faire la différence entre ce qui relève de la connaissance issue de la seule Raison humaine et des faits, ce qui relève des croyances provenant d’on ne sait où, du Ciel, de traditions ancestrales, de préjugés tenaces… ; et ce qui relève des opinions qui ne sont que des hypothèses ou des préférences. 
Comment agir et décider en citoyen autonome, si on ne sait pas, ou si on ne peut pas, distinguer le vrai du faux.

La laïcité protège les citoyens et l’Etat des dogmes religieux  avant  tout, mais la vie citoyenne n’est pas exposée aux seuls dogmes  religieux ; dans l’espace démocratique, il faut se protéger de toutes les formes de dogmes, et à plus forte raison des falsifications délibérées.  

Le problème posé par les « fausses nouvelles » choisi en raison de l’actualité récente, n’est donc en fait qu’une entrée dans le problème plus général des conditions d’exercice de l’esprit critique.

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A propos des causes du djihadisme, essayer de comprendre pour mieux faire face

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Le terrorisme à prétexte religieux s’est manifesté de manière cruelle en France en cette année 2015.La justesse du diagnostic suppose une bonne compréhension du phénomène.

Nous n’avons pas en charge le choix des mesures prises ou à prendre pour lutter contre ces violences aveugles, mais nous pouvons d’une part, contribuer à éclairer ce phénomène et d’autre part inviter au respect de quelques principes essentiels dans les dispositions proposées ou décidées par l’Etat.

De nombreuses publications ont été consacrées aux questions de l’islamisme et du djihadisme, au cours de la décennie et plus récemment depuis le 11 janvier : des travaux scientifiques, des enquêtes journalistiques, des réflexions philosophiques.

Plusieurs approches du phénomène peuvent y être identifiées, avec un éventail de nuances selon l’étendue spatio-temporelle du champ d’étude qui en modifie la perception.

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