Le Cercle Condorcet a tenu le 6 juin à Saint-Jean d’Heurs sa dernière réunion avant la période estivale, qui s’est déroulée avec plus d’une vingtaine de participants.
A l’ordre du jour, la présentation d’une première contribution sur le nouveau chantier du cercle, consacré à la raison et aux formes de pensée qui défient la raison.
Le sujet précis de l’intervention de Pierre Miele est « la Raison face au défi de rationalités diverses ; que peut l’école « . Il présente avec le support d’un schéma, les obstacles, failles et limites potentielles d’une démarche rationnelle, qu’il s’agisse de prouver ou d’argumenter : erreurs, raisonnements fallacieux non repérés, manque d’information, complexité du réel, incertitude, courants de pensée concurrents au sein même des domaines scientifiques. Ces obstacles sont ou devraient être l’objet même de l’apprentissage de la raison à l’école, et plus encore dans l’enseignement secondaire puis supérieur.
Mais l’école limite l’étude à des situations épurées (didactiques, faites pour l’apprentissage) , où les connaissances avérées sont les seules à pouvoir être utilisées et où les raisonnements (preuves ou argumentations) sont sous le contrôle de l’enseignant, et c’est bien ce qui permet l’apprentissage de la raison, apprentissage qui inclut l’identification et la correction de ce qui n’y serait pas conforme. Ainsi l’école ne laisse pas place aux autres rationalités que les individus mettent en oeuvre dans la vie réelle.
Hors de l’école, la société confronte le citoyen à des situations réelles, non aseptisées, complexes par nature et où, hors de son champ d’expertise, il ne possède que rarement les connaissances utiles ; il doit faire confiance. Il revient aux institutions de la République de garantir que les décisions relatives à l’intérêt général échappent bien aux obstacles repérés : légitimité des problèmes posés, honnêteté des informations diffusées, conformité des procédures de décision aux règles, dont respect absolu des principes de la République, mise en œuvre des choix qui ont adoptés démocratiquement ; et donc en particulier refus des autres rationalités, notamment la rationalité utilitariste des individus ou groupes de pression, et bien sûr sanction de toute délinquance… Bref la République doit assurer dans la société ce que l’enseignant assure dans sa classe pour qu’y triomphe la Raison…
L’exposé s’est intéressé aux biais, failles et limites de la pensée rationnelle, c’est-à-dire reposant sur des connaissances (vérités proposées par des hommes et réfutables) et la logique. D’autres formes légitimes de pensée existent en effet ; l’art, l’amour ne requièrent pas la pensée rationnelle ; certaines d’entre elles peuvent en revanche concurrencer gravement la pensée rationnelle et renforcer les obstacles évoqués. D’autres membres du cercle étudieront certaines de ces formes de pensée. Ce sera l’objet des prochaines réunions.
Le maire de Saint Jean d’Heurs, Bernard Frasiak, avait mis à disposition du cercle la très agréable salle des fêtes de la commune.
Il est de plus venu présenter au cercle une étude qu’il a réalisée sur un « lieu de mémoire » situé sur la commune et qui a donné lieu à une publication « les hommes de Rapine ».
La ferme modèle de Rapine, située entre Lezoux et Thiers sur la commune de Saint Jean D’Heurs, avait été conçue par un industriel lyonnais, Henri MARECHAL, avec l’aide d’ingénieurs agronomes et d’architectes audacieux. Avec l’occupation allemande et le transfert du gouvernement du Maréchal PETAIN à Vichy, les militaires de la station radioélectrique de la Tour Eiffel viendront s’installer, avec leur matériel, dans les locaux de cette ferme ; ils constitueront le service d’observation, d’écoute et d’information du régime de Vichy. Après l’invasion de la zone libre, en novembre 1942, les Allemands s’aperçoivent de contacts secrets établis avec la Résistance ; en juillet 1943 une rafle a lieu : 10 occupants de la ferme sont déportés à Buchenwald puis à Dora ; les survivants seront libérés en 1945.