Conférence de Philippe Bourdin, professeur d’histoire moderne à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, devant notre cercle
L’éducation n’occupe que 11% des revendications mises en forme dans les cahiers de doléances, en un pays où les collèges n’accueillent guère plus de 50 000 élèves, où les étudiants sont moins de 15 000. Pour les ruraux, marqués par les arguments de la Réforme catholique et par les curés souvent sollicités pour la rédaction des lignes afférentes, l’école éduque avant d’instruire. Prolongement naturel de l’oeuvre d’assistance et de charité, elle doit diffuser le catéchisme, une morale individuelle et sociale, inculquer la civilité, les notions d’ordre et de travail. Le maître d’école est donc le plus souvent vu comme un auxiliaire du prêtre, quand celui-ci ne tient pas directement entre ses mains les rênes de l’enseignement. Cependant, il est aussi un nombre non négligeable de doléances qui plaident pour un renouveau sensible, une « laïcisation » – le terme est lors anachronique – des buts et du fonctionnement des écoles, privilégiant la lecture, l’écriture, les mathématiques et, comme le veulent les villes portuaires, des enseignements spécialisés. La gratuité d’accès au savoir est un thème récurrent ; la prise de conscience du handicap de l’analphabétisme est d’autant plus forte que l’économie de marché est présente, avec son cortège de contrats, d’actes notariés, les espoirs de promotion sociale que font naître les échanges entre campagnes et villes.