Notre ami Gérard Fandard, membre actif du Cercle depuis 2015, est décédé le 18 juin 2022, à l’issue de deux années de souffrances. Danièle lui a rendu hommage en notre nom par ces mots :
Gérard,
La petite équipe qui se réunit à Egliseneuve dans le jardin de l’un ou à la table de l’autre se compose de personnalités fort diverses. Pourtant une étonnante unanimité émerge lorsque nous échangeons à ton propos.
« Figure du village », entend-on souvent. Ton rayonnement social dépassait même très largement l’ombre de notre clocher. Tu l’as manifesté dans tous tes engagements, avec un remarquable sens des responsabilités, une implication passionnée et une droiture sans faille. Tu as adhéré à toutes les associations locales où tu t’es donné sans compter, par exemple dans la rédaction du journal d’ACIER. Tour à tour ou en même temps, tu as endossé plusieurs costumes, parmi lesquels : Délégué Départemental de l’Education nationale (en fervent défenseur de l’école laïque), bibliothécaire, formateur en informatique au service des Egliseneuvois désemparés devant un ordinateur, comédien espiègle et désopilant dans la joyeuse troupe de l’Escourdou .. . Tu as entretenu, dans le journal La Montagne, et partout ailleurs, un reflet valorisant de notre commune, avec la même ardeur que si tu y avais vu le jour ; tu as très activement contribué aux travaux du Cercle Condorcet, notamment sur le harcèlement scolaire qui te bouleversait.
Tu as baptisé puis soutenu la fête annuelle « Richesses de nos montagnes ». Et surtout, ton enfant préféré, en dehors bien sûr de tes enfants biologiques, la Mémoire des marchands de toile, t’a conduit à révéler en toi un véritable historien et un généalogiste virtuose, tous deux solidement appuyés sur ton implacable rigueur intellectuelle, cette rigueur qui bougonnait parfois, quoique sans conviction aucune, devant la fantaisie imprévisible de Michelle, surtout lorsque durant ton sommeil elle avait chamboulé l’ordre de la cuisine, et que tu ne retrouvais plus ton bol du matin …
Il fallait d’ailleurs plus que de la rigueur pour faire revivre et parler ces fils tissés, ces lignes à la plume sergent-major décolorées dans des registres de comptes, ces photos fanées où tu déchiffrais des vies. Il fallait à cette tâche toute ton humanité bienveillante, toute ta sensibilité à l’écoute des autres.
Tu t’es même improvisé metteur en scène en créant une vidéo à partir de la lecture d’un conte offert par l’une des nôtres pour illustrer ce passé revivifié. Savoir cet enfant chéri adopté par de bonnes mains t’a beaucoup rassuré.
Ton intérêt pour le tissage ne se bornait pas aux toiles : tu n’avais pas ton pareil pour tisser des liens sociaux, mettre les gens en relation. Tu n’aurais laissé aucun nouvel habitant s’installer à Egliseneuve sans venir au-devant de lui pour l’intégrer à la vie collective, et aussi, pourquoi pas, l’embarquer avec toi dans l’un des vibrionnants projets qui germaient sans cesse dans ta tête. Toujours un fer au feu ! Un feu nourri par ta soif de connaissances et ton enthousiasme à les partager.
Dans le cercle plus restreint des déjeuners égliseneuvois s’asseyait un Gérard bon vivant, simple comme ses racines modestes, malicieux et rieur malgré l’envahissement progressif des bouteilles d’oxygène. Il maniait volontiers le calembour, et si l’auditoire, distrait, ne réagissait pas, sauf un seul convive, il déplorait, faussement professoral : « y en a qu’un qui suit ! ».
Quand la maladie t’a finalement cloué à la maison, puis au fauteuil, nous avons pu admirer, oui, admirer ! ton courage. Pas une plainte devant nous, pas une jérémiade, mais une digne lucidité face à un avenir obstrué.
Il nous restera de toi, entre autres précieux héritages, l’indéfectible mémoire de ces repas, champêtres ou au coin d’un âtre, où coulait le vin, un peu, mais aussi et surtout l’amitié, qui comptait tant pour toi.
Ce fut pour nous un privilège de pouvoir nous considérer comme tes amis.
MERCI, Gérard !